Recherche et développement : des innovations scientifiques pour la résilience climatique
La recherche universitaire est depuis longtemps une pierre angulaire des efforts scientifiques visant à comprendre et à lutter contre le changement climatique. Dès 1896, le chercheur suédois Svante Arrhenius posait les bases de la science climatique en démontrant l’impact des gaz à effet de serre sur le réchauffement de la planète. Depuis, le domaine n’a cessé de croître, avec des milliers de publications annuelles, et une expansion continue des sujets traités : effets des événements climatiques extrêmes, impact du changement climatique sur la biodiversité, solutions d'adaptation pour les communautés locales, entre autres.
Certaines institutions universitaires comme le Centre de résilience de Stockholm et l'Institut Potsdam de recherche sur les impacts climatiques sont à l’avant-garde de ces recherches. Ces centres se sont notamment distingués par leurs travaux sur les limites planétaires, qui définissent des seuils de sécurité pour les processus environnementaux mondiaux afin de prévenir des changements irréversibles. L'impact de leurs recherches se mesure non seulement à travers les publications scientifiques mais aussi par leur influence sur les politiques internationales et les pratiques de gestion des ressources naturelles.
Un autre exemple éloquent est le Prairie Climate Centre de l'Université de Winnipeg, au Canada. Ce centre de recherche cartographie les impacts du changement climatique sur les prairies canadiennes, en mettant à disposition du public des données essentielles pour anticiper et s’adapter aux futures conditions climatiques. Grâce à des outils interactifs et à des partenariats avec des gouvernements locaux, le centre sensibilise la population et aide les décideurs à mieux planifier les infrastructures et l’utilisation des ressources. Cette forme de recherche transdisciplinaire favorise une action concertée entre chercheurs, politiques, et communautés locales pour une adaptation durable aux défis climatiques.
Enseignement et apprentissage : préparer des citoyens engagés pour l’environnement
Le rôle des universités ne se limite pas à la recherche ; elles jouent également un rôle crucial dans la formation de futurs professionnels et citoyens responsables, conscients des défis écologiques. Pourtant, intégrer le changement climatique dans les cursus universitaires reste une tâche complexe. Dans de nombreux établissements, cette question est encore abordée de manière fragmentaire ou limitée à certaines disciplines comme les sciences de l’environnement. Pour répondre à cette fragmentation, des approches pédagogiques interdisciplinaires et des initiatives d’apprentissage centré sur les ODD (Objectifs de Développement Durable) sont en plein essor.
Des universités comme celle de Tasmanie en Australie ont développé des programmes interdisciplinaires où les étudiants issus de différentes filières collaborent pour analyser des enjeux climatiques concrets, en croisant les perspectives écologiques, économiques et sociales. Par exemple, les étudiants en droit, en gestion et en sciences environnementales travaillent ensemble sur des cas pratiques, tels que la régulation des émissions de carbone ou l’évaluation des risques climatiques pour les zones urbaines. Ce type de formation permet aux étudiants de développer des compétences en résolution de problèmes, en communication et en collaboration, qui seront essentielles pour naviguer dans le monde complexe du 21ᵉ siècle.
De nouvelles méthodes pédagogiques gagnent aussi en popularité, comme l’apprentissage basé sur les problèmes et les études de cas participatives. Par exemple, des étudiants de l’Université de Nanyang, à Singapour, participent à des simulations de gestion de crise climatique où ils doivent élaborer des solutions pour faire face aux effets d’un cyclone simulé, en tenant compte des impacts économiques et sociaux. Ces exercices interactifs favorisent une meilleure compréhension des dynamiques climatiques et permettent aux futurs professionnels de se préparer aux réalités d’un monde de plus en plus affecté par des événements météorologiques extrêmes.
Gouvernance et opérations : transformer les campus en modèles de durabilité
Les universités ont aussi la responsabilité d’incarner elles-mêmes les valeurs qu’elles enseignent. Beaucoup de campus ont ainsi pris des engagements en faveur de la neutralité carbone, en cherchant à réduire leur impact écologique par des initiatives écoresponsables dans leur gestion quotidienne. Cette approche va au-delà des actions symboliques pour viser des changements structurels dans les modes de consommation et d’aménagement du campus. L'Université d’État de l’Arizona, par exemple, a atteint la neutralité carbone en 2019, grâce à une stratégie de gestion énergétique rigoureuse combinant des énergies renouvelables, des bâtiments à haute efficacité énergétique, et des programmes de transport durable.
En Allemagne, l'Université de Leuphana et l’Université pour le Développement Durable d’Eberswalde ont mis en place des campus « verts » qui intègrent des infrastructures durables, telles que des panneaux solaires et des bâtiments économes en énergie, tout en optimisant la gestion des espaces verts pour favoriser la biodiversité locale. Ce type d'initiative offre aux étudiants et au personnel un cadre de vie aligné sur les principes de développement durable et encourage des pratiques respectueuses de l’environnement.
Les universités qui s’engagent dans des initiatives de campus verts jouent aussi un rôle d'exemplarité pour la société en montrant comment des pratiques écoresponsables peuvent être mises en œuvre à grande échelle. Par exemple, en Chine, de nombreux campus, soutenus par des politiques gouvernementales, ont investi dans des technologies de gestion énergétique avancées et ont instauré des audits énergétiques pour mesurer et réduire leurs consommations.
Engagement civique et sensibilisation communautaire : renforcer le lien avec les communautés
Les universités possèdent également un rôle social essentiel dans la sensibilisation et l’engagement civique. En utilisant leur expertise et leurs ressources, elles peuvent initier des partenariats avec les communautés locales pour co-créer des solutions aux défis environnementaux. Un exemple notable est celui des « laboratoires vivants urbains » : ces espaces collaboratifs sont des lieux de recherche et d'innovation où les étudiants, le personnel et les habitants peuvent expérimenter des solutions durables dans un cadre réel. L’Université de Manchester, au Royaume-Uni, a mis en place un tel laboratoire pour tester des techniques d’agriculture urbaine et des systèmes de gestion des déchets impliquant activement la communauté locale.
En France, l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines coordonne le projet ARTisticc, qui associe des approches transdisciplinaires pour élaborer des stratégies d’adaptation climatique adaptées aux contextes locaux. En collaboration avec des universités du Canada, de l’Inde, du Sénégal et des États-Unis, le projet développe des politiques d’adaptation basées sur les besoins des communautés, en intégrant des éléments culturels et sociaux dans la conception des stratégies. Ce type de partenariat international montre comment les universités peuvent jouer un rôle pivot en matière de coopération internationale, tout en adaptant les solutions climatiques aux réalités locales.
Les programmes de service d’apprentissage sont un autre exemple de cette dynamique d'engagement communautaire. Par le biais de ces programmes, les étudiants sont incités à s’engager activement au sein de la communauté, en appliquant les connaissances acquises en classe pour répondre aux besoins environnementaux locaux. À l’Université de Colombie-Britannique, les étudiants participent par exemple à des projets de plantation d’arbres et de restauration d’écosystèmes, renforçant ainsi leur sens des responsabilités écologiques et de l’engagement citoyen.
Conclusion : vers une transformation durable de l’enseignement supérieur
Les universités sont appelées à jouer un rôle de premier plan dans la réponse aux défis environnementaux, en éduquant les futurs leaders, en influençant les comportements et en promouvant la recherche innovante. Les initiatives actuelles montrent un potentiel immense, mais elles ne représentent que la première étape d’une transformation plus profonde. Pour maximiser leur impact, les établissements doivent non seulement intégrer pleinement les enjeux climatiques dans leurs programmes, mais aussi adopter une approche intégrée et systématique à tous les niveaux de leur organisation.
Pour les professionnels de l’éducation, la question est de savoir comment transformer cette prise de conscience en actions concrètes, en concevant des programmes qui favorisent non seulement la sensibilisation, mais aussi l’engagement proactif. Les enseignants, les chercheurs et les gestionnaires universitaires peuvent tous jouer un rôle clé dans cette transformation, en créant des environnements d’apprentissage qui stimulent la réflexion, encouragent l’expérimentation et développent des compétences pour un avenir plus durable. Les universités, en tant que microcosmes de notre société, ont l’opportunité unique de façonner une nouvelle génération de citoyens engagés, prêts à relever les défis environnementaux et à contribuer activement à la construction d’une société résiliente et respectueuse des limites planétaires.
Citation
Leal Filho, W., Weissenberger, S., Luetz, J.M. et al. Towards a greater engagement of universities in addressing climate change challenges. Sci Rep 13, 19030 (2023). https://doi.org/10.1038/s41598-023-45866-x
Lien vers l'article
https://www.nature.com/articles/s41598-023-45866-x
Autre article sur l'ESR sur le blog
https://www.eco-education-recherche.com/2024/08/de-lanthropocene-la-prosperite-mutuelle.html