Réinventer l’éducation au climat et à l’environnement pour un avenir juste


Le changement climatique et la dégradation environnementale ne sont plus des préoccupations abstraites ou lointaines. Ils façonnent déjà notre quotidien et redéfinissent les conditions de vie des générations futures. Face à cette réalité, l’éducation ne peut plus se contenter de transmettre des connaissances scientifiques déconnectées des enjeux sociaux, politiques et éthiques qu’implique la crise environnementale.

Dans un article récent publié dans Science Education, Sezen-Barrie, Windschitl et Nxumalo plaident pour une transformation en profondeur de l’éducation au climat et à l’environnement. Ils soulignent que la manière dont nous enseignons ces sujets doit évoluer pour intégrer une approche plus transdisciplinaire, ancrée dans les réalités locales et orientée vers l’action.

Pourquoi cette transformation est-elle nécessaire ? D’une part, les jeunes expriment une inquiétude croissante quant à leur avenir. Selon une étude citée par les auteurs, beaucoup perçoivent le monde à venir comme instable et menaçant, ce qui génère une forme d’éco-anxiété. D’autre part, l’éducation scientifique actuelle tend à cloisonner les savoirs et à limiter la réflexion à des cadres conceptuels trop rigides, empêchant une véritable compréhension des interconnexions entre les crises écologiques, sociales et économiques.

Les auteurs posent une question essentielle : quelle doit être la place de l’éducation dans la préparation des citoyens aux défis du XXIe siècle ? Plutôt que de considérer l’apprentissage comme un simple transfert de connaissances, ils proposent de le voir comme un levier pour construire des sociétés résilientes, capables d’inventer des modes de vie soutenables et plus justes.

Pourquoi repenser l’éducation scientifique dans un monde en mutation ?

L’urgence d’une approche globale et systémique

Les défis environnementaux actuels sont interconnectés et ne peuvent être abordés de manière isolée. Pourtant, l’éducation scientifique tend à compartimenter les savoirs, en dissociant les sciences de la nature des sciences humaines et sociales.

Prenons l’exemple du changement climatique. Il est souvent enseigné comme une simple question de réchauffement planétaire lié aux émissions de gaz à effet de serre. Or, ce phénomène est également profondément lié aux dynamiques économiques (extraction et consommation effrénées de ressources), aux inégalités sociales (les populations les plus vulnérables subissent les effets les plus graves du dérèglement climatique), et aux systèmes de gouvernance qui façonnent les politiques environnementales.

Les auteurs insistent sur le fait que l’éducation doit mieux refléter cette complexité. Elle ne doit pas seulement fournir des explications scientifiques, mais aussi aider les élèves à comprendre les implications politiques et sociales des choix qui sont faits aujourd’hui.

Une jeunesse inquiète mais engagée

Les jeunes d’aujourd’hui grandissent avec la conscience que leur avenir est incertain. Des études montrent qu’un grand nombre d’entre eux ressentent une forme de détresse face aux scénarios climatiques alarmants. Pourtant, loin d’être passifs, beaucoup cherchent à s’impliquer et à agir.

Les mobilisations climatiques menées par des jeunes – comme le mouvement Fridays for Future – témoignent d’un engagement fort et d’une volonté de changer les choses. Mais l’école leur donne-t-elle réellement les outils pour structurer leur réflexion et leurs actions ? L’éducation doit aller au-delà du simple constat alarmant pour proposer des pistes d’action, tout en prenant en compte l’impact émotionnel de ces enjeux sur les élèves.

Trois axes pour une éducation environnementale transformatrice

Les auteurs identifient trois grands leviers pour refonder l’éducation au climat et à l’environnement : décloisonner les savoirs, favoriser l’apprentissage par l’action, et prendre en compte les dimensions émotionnelles et éthiques de l’enseignement.

Apprendre à travers les disciplines et les espaces

L’une des principales limites de l’éducation actuelle est son organisation en silos disciplinaires. Or, pour comprendre les enjeux climatiques, il est essentiel de croiser différentes approches.

Les auteurs plaident pour une approche transdisciplinaire, qui relie sciences naturelles, sciences sociales, philosophie et arts. Cette approche permet de mieux appréhender la manière dont les sociétés humaines façonnent et sont façonnées par leur environnement.

Par exemple, en intégrant les savoirs autochtones sur la gestion des écosystèmes, on enrichit l’étude scientifique de la biodiversité et on ouvre une réflexion sur les différentes façons d’habiter le monde. De même, l’histoire environnementale permet de comprendre comment les choix politiques et économiques du passé ont conduit aux déséquilibres actuels.

En d’autres termes, il ne s’agit pas seulement d’ajouter du contenu environnemental dans les programmes scolaires, mais de repenser la manière dont les savoirs sont construits et articulés.

Encourager l’apprentissage par l’action

Comprendre les causes et les conséquences du changement climatique est important, mais cela ne suffit pas. Pour que l’éducation soit réellement transformatrice, elle doit permettre aux élèves d’expérimenter et d’agir concrètement.

Les projets de sciences participatives et d’enquêtes locales offrent des opportunités d’apprentissage très riches. Par exemple, dans certaines écoles, les élèves mènent des études sur la qualité de l’air ou sur l’impact des îlots de chaleur urbains. En récoltant et en analysant des données, ils prennent conscience des interactions entre les activités humaines et leur environnement immédiat.

Ces expériences ont plusieurs bénéfices :

  • Elles renforcent la compréhension des phénomènes scientifiques.
  • Elles donnent aux élèves un rôle actif, ce qui accroît leur engagement.
  • Elles les sensibilisent aux enjeux de justice environnementale, en leur permettant d’identifier les inégalités d’exposition aux risques climatiques.

Prendre en compte le bien-être émotionnel et cultiver l’espoir

Les discours sur l’effondrement écologique peuvent susciter une profonde détresse, notamment chez les jeunes. Il est donc essentiel d’intégrer la dimension émotionnelle dans l’éducation au climat.

Les auteurs soulignent que le sentiment d’impuissance peut être atténué lorsque les élèves ont l’opportunité de s’engager dans des actions concrètes. L’apprentissage de stratégies de résilience, comme l’action collective ou la connexion aux milieux naturels, peut aider à canaliser l’éco-anxiété en un engagement positif.

Des études montrent que la participation à des projets environnementaux a un effet bénéfique sur le moral des jeunes. Non seulement elle leur permet d’acquérir des compétences pratiques, mais elle leur donne aussi le sentiment de contribuer à une cause qui a du sens.

Faire de l’éducation un moteur de transformation sociale et écologique

L’enjeu n’est pas simplement d’ajouter quelques contenus sur le climat dans les programmes scolaires, mais de changer profondément la manière dont nous formons les citoyens de demain.

  • L’éducation au climat doit être repensée comme un espace de réflexion critique, qui interroge les modèles économiques et sociaux actuels.
  • Elle doit favoriser la collaboration entre les écoles, les chercheurs, les associations et les collectivités locales.
  • Elle doit enfin donner aux enseignants les outils et le temps nécessaires pour s’approprier ces nouvelles approches.

L’éducation a le pouvoir de transformer notre rapport au monde. Pour cela, elle doit cesser d’être un simple lieu de transmission de savoirs et devenir un laboratoire d’expérimentation pour inventer d’autres manières d’habiter la planète.

Citation:

Sezen-Barrie, A., Windschitl, M. and Nxumalo, F. (2025), Transformative Climate and Environmental Education for a Just Future. Science Education. https://doi.org/10.1002/sce.21963

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