Comment l’éducation peut renforcer l’action climatique en changeant les mentalités


La crise climatique impose une transformation de nos comportements à tous les niveaux. Si la prise de conscience progresse, le passage à l’action reste souvent limité par des obstacles psychologiques et sociaux. Une étude récente menée dans quatre pays européens (Finlande, Italie, Irlande et Royaume-Uni) offre un éclairage précieux sur une solution éducative sous-explorée : développer chez les jeunes une "attitude évolutive" (traduction choisie pour "growth mindset"). Cette croyance en la capacité des individus et des groupes à changer pourrait être un levier puissant pour motiver une génération à agir, à la fois individuellement et collectivement. 

Alors, comment l’éducation peut-elle exploiter ce potentiel pour encourager des actions climatiques significatives ?

Comprendre les "attitudes évolutives" comme une clé pour l’engagement climatique

Une "attitude évolutive" repose sur l’idée que les qualités humaines, telles que l’intelligence, les valeurs ou les comportements, peuvent être transformées par l’effort, l’apprentissage et l’expérience. Elle s’oppose à une attitude fixe, selon laquelle ces qualités sont innées et immuables.

Dans le cadre de l’éducation à l’environnement, cette perspective est essentielle : les élèves qui croient en la possibilité de changer sont plus susceptibles d’adopter des comportements proactifs, comme participer à des projets collectifs, soutenir des initiatives locales ou s’engager dans des débats sur des solutions climatiques. L’étude souligne également que cette attitude favorise la résilience face aux défis, un élément clé pour maintenir l’engagement à long terme.

Cependant, l’impact de ces attitudes varie en fonction des contextes culturels et éducatifs. Par exemple, les jeunes Finlandais, bien qu'affichant une volonté moindre de contribuer à un monde durable, montrent une forte corrélation entre leur "attitude évolutive" et leur engagement climatique. À l’inverse, les Italiens, où les attitudes fixes prédominent davantage, se heurtent à des obstacles psychologiques plus marqués.

Les limites actuelles de l’éducation au climat

Malgré les progrès dans l’éducation à la durabilité environnementale, les approches actuelles peinent à aller au-delà de gestes simples, comme le recyclage ou l'économie d'énergie. Bien qu’importants, ces comportements ne suffisent pas à répondre à l’ampleur des défis climatiques.

Les jeunes sont souvent freinés par des obstacles internes, comme le sentiment d’impuissance ou l’éco-anxiété, mais aussi par des facteurs externes, tels qu’un manque de soutien familial ou scolaire et l'absence de cadres institutionnels favorisant des actions collectives. En parallèle, le discours éducatif reste parfois trop technique ou moraliste, ce qui peut décourager les élèves au lieu de les mobiliser.

L’étude met également en lumière le fossé persistant entre les valeurs des jeunes et leurs actions. Même lorsqu’ils expriment une forte conscience des enjeux climatiques, cette prise de conscience ne se traduit pas systématiquement par des comportements concrets. Ce "gap valeur-action" témoigne de la nécessité de repenser l’éducation au climat pour qu’elle stimule à la fois la motivation et la capacité d’agir.

Réinventer l’éducation avec trois leviers pour intégrer les "attitudes évolutives"

Face à ces défis, l’étude propose plusieurs pistes pour transformer l’éducation en un outil puissant de mobilisation climatique :

Montrer que le changement est possible

Les jeunes ont besoin de voir des exemples concrets pour croire au pouvoir de transformation. Les enseignants peuvent intégrer des récits inspirants dans leurs cours, tels que des communautés ayant réussi à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ou des initiatives locales où des jeunes ont joué un rôle clé. Ces histoires doivent être tangibles et adaptées au contexte des élèves pour qu’ils puissent s’y identifier.
Par exemple, une école pourrait inviter des intervenants ayant travaillé sur des projets environnementaux à venir partager leur expérience. Ces témoignages rendent l’abstrait concret et offrent aux élèves une vision positive de leur potentiel à agir.

Favoriser l’apprentissage actif et participatif

Pour que les élèves se sentent acteurs du changement, il est essentiel qu’ils participent activement à des projets concrets. Organiser des campagnes de conservation, créer des jardins écologiques dans les écoles ou encore simuler des négociations internationales sur le climat sont autant de moyens de les impliquer. Ces activités permettent de relier les connaissances théoriques aux réalités pratiques tout en renforçant des compétences clés, telles que la collaboration, la pensée critique et la résolution de problèmes.


Par ailleurs, les simulations de décisions climatiques offrent une opportunité unique de comprendre les complexités systémiques des enjeux environnementaux. En prenant part à des jeux de rôle où ils doivent jongler avec des contraintes économiques, sociales et environnementales, les élèves développent non seulement leur compréhension, mais aussi leur confiance en leur capacité à trouver des solutions.

Cultiver l’espoir et la résilience

Face à l’ampleur de la crise climatique, l’éco-anxiété peut devenir un frein à l’action. Les éducateurs ont un rôle clé à jouer pour aider les jeunes à canaliser leurs inquiétudes en actions positives. Cela passe par la mise en avant d’exemples de transformations réussies, mais aussi par des exercices de projection dans l’avenir.

Imaginer des scénarios optimistes, réfléchir à des moyens de surmonter les obstacles et identifier des étapes concrètes pour construire un futur désirable sont autant de pratiques qui permettent de maintenir l’espoir. En combinant cela avec un soutien émotionnel, les enseignants aident les élèves à développer une résilience essentielle pour persister dans leurs efforts, même face aux revers.

Former une génération d’acteurs du changement

L’étude montre que développer des "attitudes évolutives" chez les jeunes n’est pas une option parmi d’autres, mais une nécessité pour répondre aux défis climatiques. En leur montrant que le changement est possible, en les impliquant dans des actions concrètes et en cultivant l’espoir, l’éducation peut devenir un moteur puissant de transformation.

Les enseignants, les institutions et les décideurs doivent se saisir de ces leviers pour construire une éducation qui va au-delà de la simple sensibilisation, et qui offre aux élèves les outils et la confiance nécessaires pour devenir des acteurs du changement. Car si l’avenir reste incertain, une chose est sûre : c’est par l’éducation que nous pouvons le rendre meilleur.

Citation

Rissanen, I., Kuusisto, E., Aarnio-Linnanvuori, E. et al. Exploring the association between growth mindsets and climate action with young people. Soc Psychol Educ 27, 2901–2921 (2024). https://doi.org/10.1007/s11218-024-09937-9

Lien vers l'étude

https://link.springer.com/article/10.1007/s11218-024-09937-9#article-info