Les différences de genre dans la sensibilisation et les pratiques environnementales : le cas des élèves en Colombie



Dans un contexte mondial où le changement climatique et la dégradation environnementale imposent des défis sans précédent, une étude récente menée en Colombie révèle des différences marquantes entre les genres en matière de connaissances, d’attitudes et de pratiques environnementales. Ces résultats ouvrent des perspectives nouvelles pour l’éducation à la durabilité, en particulier dans les pays du Sud global.

Une étude inédite sur les élèves colombiens

L’équipe de chercheurs de l’Universidad de los Andes s’est penchée sur les comportements environnementaux de 405 élèves de quatre écoles secondaires publiques en Colombie. Cette étude a été réalisée dans des contextes urbains et périurbains, offrant ainsi une vision représentative des défis rencontrés par les jeunes dans différents environnements. Les chercheurs ont exploré trois dimensions principales : les connaissances sur la pollution et ses impacts, les attitudes face aux enjeux environnementaux, et les pratiques écologiques quotidiennes.

Les données ont été recueillies à l’aide de questionnaires développés spécifiquement pour évaluer les compétences et les perceptions des jeunes en matière d’écologie. Ces instruments, inspirés d’études internationales adaptées au contexte local, permettent d’analyser les différences de genre dans une perspective holistique.

Des différences marquées entre les genres

Connaissances environnementales : Bien que les garçons et les filles aient une compréhension similaire des causes de la pollution, certaines différences ressortent clairement. Les filles, par exemple, se distinguent par leur connaissance des mesures de protection. Elles sont 14 % plus susceptibles que les garçons de savoir qu’éviter les activités physiques en extérieur lors d’épisodes de pollution est une mesure préventive efficace. Elles identifient également plus souvent les routes non pavées comme une source de pollution, mettant en évidence une sensibilité accrue aux sources de pollution locales.

Cependant, il subsiste des lacunes communes entre les deux genres. Par exemple, beaucoup d’élèves, garçons comme filles, considèrent à tort que des déchets tels que les emballages abandonnés sont une source directe de pollution de l’air. Ce constat souligne l’importance de renforcer les programmes éducatifs pour corriger ces perceptions erronées.

Attitudes : L’étude révèle que les filles manifestent une préoccupation plus grande pour le changement climatique et la pollution. Cette sensibilité se traduit par un sentiment accru de responsabilité individuelle : 67 % des filles considèrent qu’elles ont un rôle actif à jouer dans la réduction du changement climatique, contre seulement 56 % des garçons. Elles sont également plus nombreuses à percevoir la qualité de l’air à domicile, notamment dans les cuisines, comme un enjeu majeur, ce qui reflète leur plus grande exposition à la pollution intérieure.

Cette responsabilité personnelle contraste avec la perception des garçons, qui attribuent davantage la gestion de la pollution aux autorités locales ou aux entreprises. Ces différences d’attitude peuvent influencer les stratégies de mobilisation pour des actions collectives ou individuelles en faveur de l’environnement.

Pratiques : Les actions écologiques, comme le recyclage ou la réduction de la consommation d’énergie, sont fréquentes chez les deux genres. Toutefois, les filles se distinguent par une implication plus grande dans les activités liées à la pollution de l’air et de l’eau. Par exemple, elles sont plus susceptibles de participer à des efforts de conservation de l’eau dans leurs communautés.

En revanche, certaines pratiques restent peu adoptées par les deux groupes, comme l’utilisation de masques pour se protéger de la pollution de l’air ou la limitation des déplacements en voiture. Ces observations pointent vers des opportunités de sensibilisation ciblée.

Rôle des facteurs socio-économiques et culturels

Les disparités observées trouvent en partie leur origine dans les rôles sociaux attribués aux genres. En Colombie, les filles sont davantage exposées à la pollution intérieure en raison de leur participation aux tâches domestiques. Cette exposition influe sur leurs perceptions et leurs priorités environnementales. Selon l’étude, cette tendance est particulièrement prononcée dans les foyers où les mères ont un faible niveau d’éducation, ce qui reflète des normes sociales et économiques bien ancrées.

En parallèle, les garçons, souvent plus actifs en extérieur, considèrent les espaces ouverts comme moins pollués. Cette perception pourrait être liée à leur moindre exposition directe à la pollution intérieure, mais aussi à des attentes sociales qui valorisent davantage les activités physiques extérieures chez les garçons.

Implications pour l’éducation à la durabilité

Ces conclusions soulignent la nécessité de politiques éducatives inclusives qui tiennent compte des différences de genre. Intégrer une perspective de genre dans les programmes scolaires pourrait favoriser une participation égale des garçons et des filles aux initiatives environnementales.

1. Valoriser les connaissances locales : En sensibilisant sur les spécificités de la pollution intérieure et extérieure, les écoles peuvent offrir des solutions adaptées aux réalités locales. Par exemple, expliquer comment la ventilation des espaces intérieurs peut réduire les risques liés à la pollution de l’air.

2. Promouvoir des rôles égalitaires : Encourager une participation égale des garçons aux tâches domestiques et des filles aux activités extérieures permettrait de briser les stéréotypes traditionnels. Par exemple, des programmes éducatifs pourraient intégrer des ateliers collaboratifs où les élèves participent à des projets communautaires mêlant jardinage, recyclage et autres initiatives écologiques. Ces activités offrent un cadre neutre pour explorer les responsabilités partagées.

3. Renforcer les compétences pratiques : Former les élèves à adopter des gestes écologiques concrets peut aussi avoir un impact durable. Ces formations pourraient inclure la gestion des déchets, la réduction de l’empreinte carbone via des comportements quotidiens comme le covoiturage, ou encore des cours de cuisine durable pour sensibiliser à la consommation responsable.

4. Inclure des perspectives intersectionnelles : Il est déterminant de reconnaître que les différences de genre ne sont qu’un aspect des dynamiques environnementales. Les programmes doivent aussi tenir compte des facteurs socio-économiques, ethniques et géographiques qui influencent les perceptions et les pratiques environnementales. En Colombie, par exemple, des élèves issus de communautés rurales pourraient avoir des connaissances ancestrales sur la conservation, mais manquer de ressources pour les appliquer dans un contexte moderne.

Conclusion

L’étude réalisée en Colombie met en lumière le potentiel des jeunes, et en particulier des filles, à devenir des acteurs majeurs du changement environnemental. Cependant, exploiter ce potentiel nécessite des approches éducatives innovantes et inclusives qui prennent en compte les différences de genre tout en valorisant les perspectives locales et intersectionnelles. Intégrer ces dimensions dans l’éducation pourrait ouvrir la voie à une société plus résiliente et mieux préparée face aux défis environnementaux à venir.

Citations

Aguilar Gómez, S, Cárdenas Campo, J, Galindo Pardo, C, Rodríguez Arenas, J y Vlasak González, D.  (2024).  Gender Gaps in Knowledge, Attitudes, and Practices Related to Environmental Degradation in Colombia.    Universidad de los Andes.  Disponible en: https://hdl.handle.net/1992/75216

Lien vers l'article

https://repositorio.uniandes.edu.co/entities/publication/8fa2c4a1-0295-471c-ba43-1bad5da0e63a