Dans un contexte mondial où les crises écologiques, économiques et sociales se multiplient, l'éducation devient un outil indispensable pour repenser notre rapport à la nature et à nos sociétés. Le monde fait face à des défis inédits, allant du changement climatique à la perte de biodiversité, en passant par l'augmentation des inégalités sociales. L’éducation à la durabilité se présente comme une réponse à ces enjeux complexes, mais elle nécessite une transformation en profondeur. Cet article, inspiré de l'étude académique Sustainability Education for the Future? Challenges and Implications for Education and Pedagogy in the 21st Century de Christina Marouli, propose une exploration de cette transformation. Il examine les limites des approches actuelles et invite à repenser l'éducation pour qu'elle soit véritablement au service d’un avenir en harmonie avec la nature.
L'éducation pour les éco-communautés : une nécessité pour le XXIe siècle
L’éducation pour le développement durable (EDD) a vu le jour dans les années 1970, suite à la reconnaissance des impacts dévastateurs de l’industrialisation sur l’environnement. Depuis, elle a permis de sensibiliser des millions de personnes aux enjeux écologiques. Toutefois, comme le souligne Marouli, cette approche, bien qu'importante, doit évoluer pour être plus adaptée aux défis d’aujourd’hui. L’auteure propose un nouveau cadre, celui de l’éducation pour les éco-communautés, qui place les communautés humaines au cœur de l’apprentissage, tout en respectant les lois naturelles et en intégrant une approche critique des systèmes socio-économiques actuels.
L'éducation pour les éco-communautés cherche à former des citoyens capables de comprendre et d’agir face aux enjeux complexes qui lient les systèmes humains et naturels. Contrairement à l’EDD traditionnelle, souvent axée sur des changements individuels, cette approche prône une action collective, en mettant en avant la coopération, la justice sociale et l’interconnexion entre les êtres humains et leur environnement. Pour Marouli, il est essentiel de dépasser le modèle économique actuel fondé sur la croissance sans fin et d’adopter une vision plus respectueuse des limites écologiques de la planète.
Dépasser les limites de l'éducation pour le développement durable
L’un des principaux points d’achoppement de l’EDD est sa relation complexe avec la croissance économique. Le modèle de développement durable, tel qu’il est souvent présenté, suppose qu'il est possible de concilier croissance économique continue et préservation de l’environnement. Cependant, cette vision ignore les limites inhérentes aux ressources naturelles et les principes fondamentaux des écosystèmes. Les ressources de la planète sont finies et ne peuvent soutenir indéfiniment un modèle de croissance basé sur la consommation de masse.
Marouli souligne que la solution ne réside pas simplement dans des technologies plus efficaces ou des approches plus innovantes. Bien que celles-ci puissent contribuer à un usage plus responsable des ressources, elles ne remettent pas en question le modèle même de la croissance. Pour l’auteure, le véritable enjeu est de repenser la relation entre l’économie et la nature. Cela implique de renoncer à l'idée d’une croissance infinie et de privilégier des modèles économiques qui respectent les rythmes naturels et les cycles des écosystèmes. Il ne s’agit plus d’adapter la nature aux besoins humains, mais d’adapter nos sociétés aux lois naturelles.
Cette révision de l’EDD propose également de reconsidérer l’idée de progrès. Dans les sociétés occidentales, le progrès a longtemps été associé à l’avancée technologique et à l’amélioration des conditions matérielles de vie. Cependant, ce modèle a des limites claires, notamment en matière d’impact environnemental. L’éducation pour les éco-communautés propose d’explorer d’autres formes de progrès, basées sur la qualité de vie, la solidarité, et le respect des écosystèmes. Il s'agit d'une véritable révolution culturelle, qui nécessite de repenser les valeurs fondamentales de nos sociétés.
Une pédagogie centrée sur les communautés et la justice sociale
L’éducation pour les éco-communautés ne se limite pas à transmettre des savoirs techniques sur l’environnement ou à enseigner des comportements « verts ». Elle doit également permettre aux apprenants de développer une réflexion critique sur les structures sociales, économiques et politiques qui façonnent notre rapport à la nature. Cela implique d'intégrer des questionnements philosophiques, éthiques et sociologiques dans les programmes éducatifs, afin que les apprenants puissent comprendre non seulement comment agir pour la durabilité, mais aussi pourquoi et au service de quoi ils agissent.
Pour Marouli, l'éducation ne doit pas se contenter de former des individus compétents sur le plan technique, mais elle doit aussi former des citoyens engagés, capables de remettre en question les rapports de pouvoir dans la société. Cela inclut une réflexion sur les inégalités sociales et la manière dont elles se répercutent sur l'environnement. Par exemple, les populations les plus pauvres sont souvent les premières touchées par les conséquences du changement climatique, bien qu’elles en soient les moins responsables. Une éducation axée sur les éco-communautés permettrait de mettre en lumière ces injustices et de favoriser une action collective pour y remédier.
L’un des principes fondamentaux de cette nouvelle pédagogie est l’accent mis sur l’apprentissage collaboratif et expérientiel. Les apprenants ne doivent plus être perçus comme de simples récepteurs passifs de savoir, mais comme des acteurs à part entière de leur apprentissage. Il s’agit de créer des environnements d’apprentissage où les élèves peuvent collaborer entre eux, mais aussi avec leur communauté et la nature. Par exemple, des projets de terrain, des recherches participatives ou des initiatives communautaires peuvent être intégrés dans les programmes éducatifs pour favoriser un apprentissage ancré dans la réalité.
Réinventer l'éducation pour un monde en mutation
L'éducation pour les éco-communautés va au-delà de la transmission de connaissances ou de compétences. Elle vise à former des citoyens capables de comprendre les interconnexions entre les systèmes humains et naturels, et à réfléchir de manière critique aux structures sociales, économiques et politiques qui influencent ces systèmes. Cette éducation doit également permettre aux apprenants de développer une capacité d'adaptation, car les défis du XXIe siècle exigent une flexibilité et une ouverture d'esprit que les approches éducatives traditionnelles ne favorisent pas toujours.
Un autre aspect important de cette transformation éducative est l’importance donnée à la dimension émotionnelle de l’apprentissage. Comme le souligne Marouli, l’éducation à la durabilité ne peut pas se limiter à l’acquisition de connaissances abstraites. Elle doit aussi permettre aux apprenants de ressentir un lien profond avec la nature et de développer une véritable empathie pour les autres êtres vivants, qu'ils soient humains ou non. Cette approche peut être facilitée par des activités en plein air, des expériences immersives dans la nature, ou encore par des projets communautaires qui favorisent un contact direct avec les écosystèmes.
Conclusion : vers une éducation transformée pour un avenir durable
L'article de Christina Marouli appelle à une transformation radicale de l’éducation pour qu’elle soit réellement au service d’un avenir durable. En proposant une approche centrée sur les éco-communautés, l’auteure nous invite à repenser les finalités mêmes de l’éducation. Il ne s’agit plus seulement de former des individus compétents sur le plan technique, mais aussi des citoyens capables de remettre en question les modèles économiques et sociaux actuels, et d’agir de manière collective pour construire des sociétés plus justes et respectueuses de l’environnement.
Cette transformation passe par une pédagogie holistique, qui prend en compte les dimensions intellectuelles, émotionnelles et sociales de l’apprentissage. Elle implique également de repenser les rôles des enseignants, qui ne sont plus des transmetteurs de savoir, mais des facilitateurs de l’apprentissage et des agents de changement. Enfin, cette éducation doit être ancrée dans la réalité, en encourageant les apprenants à s’engager activement dans des projets concrets en lien avec leur communauté et leur environnement.
Face aux défis du XXIe siècle, il est temps de repenser l’éducation pour qu’elle devienne un moteur de la transition écologique et sociale. L’éducation pour les éco-communautés, telle que proposée par Marouli, ouvre la voie vers une nouvelle ère éducative, où la durabilité, la justice et la solidarité seront les piliers d’un avenir plus serein et harmonieux.
Lien vers l'article
https://www.mdpi.com/2071-1050/13/5/2901
Citation
Marouli, Christina. 2021. "Sustainability Education for the Future? Challenges and Implications for Education and Pedagogy in the 21st Century" Sustainability 13, no. 5: 2901. https://doi.org/10.3390/su13052901