Comment la créativité des élèves dans l'éducation à la durabilité environnementale peut transformer notre compréhension du changement climatique


Dans un monde confronté à une crise climatique sans précédent, les jeunes sont non seulement des témoins directs des changements environnementaux, mais aussi des acteurs clés dans la lutte pour un avenir durable. Une récente étude met en lumière un aspect souvent négligé de l'éducation environnementale : l'usage de la créativité, notamment à travers les métaphores et les métonymies, comme outils pédagogiques dans la compréhension du changement climatique. Réalisée auprès d'élèves de collèges en Angleterre, cette recherche explore comment ces jeunes interprètent des slogans activistes partagés sur les réseaux sociaux, issus des mouvements FridaysForFuture et Global Climate Strikes. Les résultats sont frappants : la créativité, lorsqu'elle est bien encadrée, devient un catalyseur puissant de la réflexion et de l'action en matière de durabilité.

L'importance de la créativité dans l'éducation climatique

La créativité ne se résume pas à l’art ou à l’expression artistique : elle est un moyen d’aborder les défis complexes d’une manière accessible et engageante. Dans le cadre de l'éducation au changement climatique, la créativité aide les jeunes à se projeter dans des scénarios futurs tout en ancrant leurs réflexions dans leur quotidien. L'étude montre que l'utilisation de métaphores et de métonymies, souvent présentes dans les slogans militants, permet de rendre des problématiques environnementales abstraites plus tangibles. Par exemple, des slogans tels que « La planète est dans un grille-pain » ou « La Terre a de la fièvre » sont des illustrations frappantes de la manière dont les élèves réinterprètent et se réapproprient ces images pour réfléchir aux enjeux climatiques.

L'usage de métaphores devient ainsi une passerelle entre l'abstraction scientifique et la réalité vécue des élèves. Ces derniers sont capables de s'approprier des concepts comme l'augmentation des températures ou la perte de biodiversité en les liant à des expériences et des connaissances personnelles. Cela leur permet de mieux comprendre l'urgence climatique, tout en la rendant plus concrète et plus proche de leurs propres vies.

Les slogans analysés dans l’étude, issus de mouvements tels que les FridaysForFuture, démontrent comment ces expressions créatives captivent l’attention des jeunes tout en facilitant une réflexion plus profonde. Ces slogans vont au-delà de l’information brute, ils suscitent l’engagement en incitant à une réflexion personnelle. Un slogan comme « Sauvez jusqu'à 100 % des humains », qui juxtapose l'idée d'un Black Friday avec celle de sauver la planète, met en lumière les contradictions du consumérisme tout en soulevant une question morale : que faisons-nous pour nous sauver nous-mêmes ?

Métaphores et métonymies : des outils puissants pour la réflexion environnementale

L'une des grandes découvertes de l'étude est l'efficacité des métaphores et des métonymies pour encourager la réflexion environnementale. Les métaphores sont plus qu'une simple figure de style : elles façonnent la manière dont nous comprenons et abordons les problèmes. Prenons la métaphore de « La planète a de la fièvre », couramment utilisée dans le discours sur le changement climatique. Elle permet de simplifier une réalité scientifique complexe (l'augmentation des températures mondiales) en la comparant à une situation familière (la fièvre). Cette personnification de la planète engage les élèves à réfléchir à la manière dont ils prendraient soin de la Terre comme ils prendraient soin d'un proche malade.

Cela crée une identification émotionnelle avec le sujet. En se voyant dans cette relation métaphorique avec la planète, les élèves sont plus enclins à comprendre l'urgence d'agir. Cette connexion émotionnelle est essentielle pour transformer la compréhension passive en engagement actif. Selon l'étude, ces métaphores ouvrent également la voie à des discussions morales et éthiques parmi les élèves, les amenant à se demander : si la Terre est malade, quelle est notre responsabilité collective pour l’aider à guérir ?

Les métonymies, quant à elles, jouent un rôle subtil mais tout aussi central dans cette réflexion. Elles permettent de désigner un concept à travers une autre idée qui lui est liée. Par exemple, un slogan comme « Notre gouvernement a testé négatif pour l'action climatique » joue sur l’association entre les tests Covid-19 et l'inaction politique en matière d'écologie. En associant le vocabulaire médical aux défaillances politiques, les élèves sont amenés à réfléchir à la manière dont les gouvernements échouent à relever le défi climatique, tout comme un patient pourrait échouer un test médical.

Encourager la créativité pour une éducation à la durabilité plus engageante

L'éducation traditionnelle autour du changement climatique se concentre souvent sur des faits et des chiffres : le pourcentage de la fonte des glaces, les augmentations des niveaux de CO2, etc. Bien que ces données soient essentielles, elles peuvent sembler abstraites et éloignées de la vie quotidienne des élèves. L'étude démontre que l'ajout de pratiques créatives, notamment à travers le langage figuré, permet aux élèves de mieux comprendre et de s’engager davantage. Cette approche, qui s'appuie sur l'usage de slogans créatifs et de jeux de mots, stimule leur réflexion personnelle et collective.

Cette perspective est appuyée par des recherches récentes en éducation au développement durable. Des chercheurs comme Rousell et Cutter-Mackenzie-Knowles (2020) soulignent que les approches créatives et participatives sont essentielles pour rendre le changement climatique significatif pour les jeunes. L'artivisme, ou l'activisme créatif, est un moyen de relier les connaissances scientifiques à des actions concrètes, en favorisant l'empathie et l'engagement moral des élèves.

Dans le cadre de l'étude, les élèves ont exprimé leur intérêt pour ces approches. Ils ont discuté des slogans comme s’ils faisaient partie de leur propre réalité, trouvant des analogies avec leur quotidien, leurs préoccupations et leurs expériences. Cette appropriation du discours climatique à travers le langage créatif permet de transformer une réalité globale en une problématique personnelle, rendant l’action plus accessible et plus motivante.

Conclusion : La créativité comme levier d'action pour le climat

L’étude montre qu’encourager la créativité dans l'éducation environnementale est un levier puissant pour développer une compréhension plus profonde et plus engageante du changement climatique chez les jeunes. L’utilisation de métaphores, de métonymies et d’autres procédés linguistiques ne se contente pas d’illustrer des concepts ; elle permet aux élèves de réfléchir à leur propre place dans la lutte contre le réchauffement climatique.

L'intégration de la créativité dans l'éducation à la durabilité ouvre des perspectives nouvelles pour faire face à la crise climatique. En apprenant à utiliser la langue de manière imaginative, les élèves ne se contentent pas de comprendre passivement le problème ; ils s'approprient les enjeux, réfléchissent à leurs implications morales et politiques, et s'engagent activement dans la recherche de solutions. Alors que les mouvements de jeunes pour le climat continuent de se développer, il est nécessaire que l'éducation suive cette dynamique en encourageant des approches pédagogiques créatives et participatives.

Citation

O'Dowd, Niamh A., Adriano, Lorraine, & Littlemore, Jeannette. "Our Earth, it's like it's in a toaster”: Creative, figurative and narrative interactions in interviews with lower secondary school students about climate activism. Language & Communication, Volume 99, 2024, pp. 19-38. ISSN: 0271-5309.

Lien vers l'article

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S027153092400051X